Sunday, September 28, 2008

Votera, votera pas ?



Ha! Ha ! Ha! C'est le temps des bouffons en cravate ! Eh oui, l'éternel retour des «faces lettes» sur les poteaux de téléphone, comme disait un sympathique mendiant rue St-Denis. Le temps des élections!
Face à l'imminence d'un gouvernement conservateur majoritaire, les syndicats et «organismes sociaux» du Québec lancent un appel au vote stratégique (ce qui, si on lit entre les lignes, se résume à voter pour le Bloc...), les Libéraux s'écroulent, le NPD gagne du terrain, le Bloc se maintien de peine et de misère...bref ça craint ! Pas d'appel massif à l'abstention comme en 2007 de la part des groupes libertaires et marxistes non-électoralistes ( manque temps et de motivation obligent j'ai l'impression), à part une affiche de la NEFAC et un texte du PCR, d'après ce que j'ai pu voir.

Bien que je soie d'accord avec le principe de l'abstention comme refus symbolique d'abdiquer son pouvoir au système de représentation libéral, je commence à me demander si, cette fois, un vote stratégique ne serait pas de mise...je m'explique. Dans mon comté (Papineau), la députée en place est Vivian Barbot du Bloc, femme d'origine haïtienne, ex-présidente de la Fédération des Femmes du Qc. Aux dernières élections, elle a battu nul autre que l'ex-ministre libéral Pierre Pettigrew par seulement 1000 votes. Et devinez qui pointe sa jolie binette pour reconquérir ce comté au profit des Rouges ? Justin Trudeau, le fils à papa ! Prêt à tout pour ne pas laisser ce petit connard aller fignoler au Parlement canayen, j'envisage l'impensable, voter pour le Bloc québécois !

Évidemment, avec notre système électoral pourri, même pour une démocratie parlementaire, seul le vainqueur compte dans chaque comté, le reste des votes n'ayant pas d'autre effet que de garnir un peu plus les coffres des partis « importants » selon leur score total. Bref, si je veux barrer la voie à Trudeau Jr, je n'ai d'autre choix que de voter pour le seul parti qui ait une chance de le battre (dans mon comté, les Conservateurs et le NPD sont moribonds, mais on s'attend à une campagne canon de la part du PCC-ML haha!).

Pour ce qui est de ma «transgression» du principe libertaire abstentionniste, j'aimerais remettre les choses en perspective, notamment en soulignant que les anars eux-mêmes ne l'ont pas toujours respecté. En effet, la victoire du Front populaire (coalition de partis de gauche relativement hostile à la CNT-FAI anarchiste) de 1936 en Espagne fut en grande partie l'oeuvre du vote anarchiste, contrairement à l'élection précédente lors de laquelle ils s'étaient massivement abstenus pour se venger de la répression que le gouvernement républicain leur avait fait subir, pavant ainsi la voie à un gouvernement de droite encore plus répressif.

Je ne prétend pas que le «vote stratégique» est une solution en soi, pas plus d'ailleurs que ne l'est l'abstention. C'est pas ce qu'on fait avec notre vote qui importe, c'est ce qu'on fait au-delà...

Thursday, September 25, 2008

La désublimation répressive...de kessé ?

Ouah, cet été je me suis tapé un bouquin d'Herbert Marcuse, son plus connu je crois, L'Homme unidimensionnel. Marcuse était un intello allemand marxiste gravitant autour de l'École de Francfort, exilé aux States suite à l'avènement du régime nazi. Il a actualisé la théorie marxiste en faisant la critique de la société industrielle avancée (notamment sur l'embourgeoisement de la classe ouvrière et l'absence d'un sujet révolutionnaire totalisant) et y a introduit certains concepts freudiens (psychanalyse), d'où sa désignation de freudo-marxiste.

Malgré quelques débilités sur la conquête de la nature et des élucubrations métaphysiques bizarres sur l'essence vs la qualité de l'objet (j'suis pas trop calé en philo, mais ça sonnait pas mal platonicien comme cossin...), y'avait plusieurs trucs dignes d'intérêt dans ledit bouquin, dont le concept de désublimation répressive. What the fuck ? C'est très simple malgré les gros mots...

La sublimation est un mécanisme psychologique qui vise à transcender le réel, c'est-à-dire à en sortir, à le dépasser. Selon Freud, la sublimation sert notamment à évacuer des pulsions violentes sous une forme constructive, changer une pulsion de mort (thanatos) en pulsion de vie (éros). Exemple : le sport et les arts sont une forme de sublimation. C'est donc une façon d'érotiser notre environnement immédiat face aux agressions morbides du monde extérieur (rapport de domination, d'exploitation, violence, laideur de l'architecture, etc.) qui rendent notre vie quotidienne insupportable et font naître en nous des sentiments violents et/ou autodestructeurs (thanatos - pulsion de mort).

OK, mais la désublimation c'est quoi et en quoi est-elle répressive ?
Si la sublimation sous-entend une distanciation face au monde réel, cette fameuse idée de transcendance, à travers l'érotisation, eh ben la -sublimation c'est excatement l'inverse. Marcuse donne en exemple la sexualité dans la société industrielle avancée. Au lieu d'une sublimation par la sensualité, par l'érotisation de l'environnement immédiat, la sexualité est désublimée, c'est-à-dire que toute l'énergie érotique est concentrée dans l'acte sexuel et sur les zones érogènes du corps. C'est une satisfaction immédiate des pulsions sexuelles, sans médiation, une intensification de la libido (énergie sexuelle), mais également un rétrécissement de son étendue et de la variété des plaisirs possibles.

Selon Marcuse, ce modèle de désublimation, de satisfaction immédiate des désirs, s'est répandu dans toute la société, encouragée par le pouvoir qui y voit une excellente façon de perpétuer sa domination. En effet, si la sublimation est un refus du monde donné et une façon de le transcender par l'érotisation, la désublimation est une soumission aveugle aux pulsions et donc une plus grande acceptation de l'état des choses sans remise en question, ce que Marcuse appelle la "conscience heureuse". Bref, c'est en ce sens qu'on peut parler de désublimation répressive, répression de l'éros (pulsion de vie contractée entièrement sous des formes intenses et souvent agressives, satisfaction immédiate des désirs : sexe, consommation compulsive, gadgets technologiques, gros chars puissants, marchandisation de l'art, etc.), répression de la faculté de rejeter le monde tel qu'il est et de le transformer. C'est ce qui fait dire à Marcuse que la désublimation répressive constitue "un effet secondaire des contrôles sociaux et de la technologie, qui généralisent la liberté tout en intensifiant la domination." (p. 96)

Right. Bon ben maintenant qu'est-ce qu'on fait ? Comment on ré-érotise notre vie ?