Thursday, September 25, 2008

La désublimation répressive...de kessé ?

Ouah, cet été je me suis tapé un bouquin d'Herbert Marcuse, son plus connu je crois, L'Homme unidimensionnel. Marcuse était un intello allemand marxiste gravitant autour de l'École de Francfort, exilé aux States suite à l'avènement du régime nazi. Il a actualisé la théorie marxiste en faisant la critique de la société industrielle avancée (notamment sur l'embourgeoisement de la classe ouvrière et l'absence d'un sujet révolutionnaire totalisant) et y a introduit certains concepts freudiens (psychanalyse), d'où sa désignation de freudo-marxiste.

Malgré quelques débilités sur la conquête de la nature et des élucubrations métaphysiques bizarres sur l'essence vs la qualité de l'objet (j'suis pas trop calé en philo, mais ça sonnait pas mal platonicien comme cossin...), y'avait plusieurs trucs dignes d'intérêt dans ledit bouquin, dont le concept de désublimation répressive. What the fuck ? C'est très simple malgré les gros mots...

La sublimation est un mécanisme psychologique qui vise à transcender le réel, c'est-à-dire à en sortir, à le dépasser. Selon Freud, la sublimation sert notamment à évacuer des pulsions violentes sous une forme constructive, changer une pulsion de mort (thanatos) en pulsion de vie (éros). Exemple : le sport et les arts sont une forme de sublimation. C'est donc une façon d'érotiser notre environnement immédiat face aux agressions morbides du monde extérieur (rapport de domination, d'exploitation, violence, laideur de l'architecture, etc.) qui rendent notre vie quotidienne insupportable et font naître en nous des sentiments violents et/ou autodestructeurs (thanatos - pulsion de mort).

OK, mais la désublimation c'est quoi et en quoi est-elle répressive ?
Si la sublimation sous-entend une distanciation face au monde réel, cette fameuse idée de transcendance, à travers l'érotisation, eh ben la -sublimation c'est excatement l'inverse. Marcuse donne en exemple la sexualité dans la société industrielle avancée. Au lieu d'une sublimation par la sensualité, par l'érotisation de l'environnement immédiat, la sexualité est désublimée, c'est-à-dire que toute l'énergie érotique est concentrée dans l'acte sexuel et sur les zones érogènes du corps. C'est une satisfaction immédiate des pulsions sexuelles, sans médiation, une intensification de la libido (énergie sexuelle), mais également un rétrécissement de son étendue et de la variété des plaisirs possibles.

Selon Marcuse, ce modèle de désublimation, de satisfaction immédiate des désirs, s'est répandu dans toute la société, encouragée par le pouvoir qui y voit une excellente façon de perpétuer sa domination. En effet, si la sublimation est un refus du monde donné et une façon de le transcender par l'érotisation, la désublimation est une soumission aveugle aux pulsions et donc une plus grande acceptation de l'état des choses sans remise en question, ce que Marcuse appelle la "conscience heureuse". Bref, c'est en ce sens qu'on peut parler de désublimation répressive, répression de l'éros (pulsion de vie contractée entièrement sous des formes intenses et souvent agressives, satisfaction immédiate des désirs : sexe, consommation compulsive, gadgets technologiques, gros chars puissants, marchandisation de l'art, etc.), répression de la faculté de rejeter le monde tel qu'il est et de le transformer. C'est ce qui fait dire à Marcuse que la désublimation répressive constitue "un effet secondaire des contrôles sociaux et de la technologie, qui généralisent la liberté tout en intensifiant la domination." (p. 96)

Right. Bon ben maintenant qu'est-ce qu'on fait ? Comment on ré-érotise notre vie ?

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